Viggo, artiste engagé

Nous prenons ici le train "en route", comme on dit, mais en ces temps de campagne présidentielle américaine où Viggo est plus actif que jamais politiquement, nous ne pouvons pas ne pas créer un topic à ce sujet sur L'Oeil et la Main.

Nous ne reprendrons pas tous les messages politiques de Viggo (postés sur PP ou ailleurs) de ces dernières années, d'autres forums l'ont très bien fait (vous trouverez des threads consacrés au sujet sur Viggo-Works, El Alma de Viggo ou autres; j'éditerai plus tard ce post pour mettre les liens directs ).

En revanche, ce topic est dès maintenant ouvert pour poster les messages, citations, articles ou extraits d'articles touchant à l'engagement politique de Viggo... et, bien sûr, on discute déjà de tout cela sur d'autres forums, mais si vous voulez en parler... en français, vous pouvez le faire ici! (l'anglais restant évidemment tout-à-fait bienvenu pour nos membres anglophones!!)

Suivront ci-dessous les éléments les plus marquants, les news les plus récentes, et une traduction en français du dernier message politique de Viggo sur Perceval Press.

Back to Babylon, poème "engagé" s'il en est, d'une force et d'une beauté qui continuent de m'émouvoir aujourd'hui même après plusieurs lectures, et je ne suis sûrement pas la seule...

Il figure à la fin de "Coincidence of Memory", et Viggo en fit une lecture publique, en février 2003, lors de la manifestation contre l'engagement des Etats-Unis en Irak, à Washington DC.


En voici le texte et la traduction, et j'en posterai la vidéo dès que je l'aurai mise sur Youtube:



Back to Babylon

Accept and forget difference or desire that separates and leaves us
longing or repelled. Why briefly return to play in broken places, to
mock the ground, to collect infant shards, coins, fossils, or the
familiar empty canisters and casings that glint from poisoned roots in
the blackened dust? We make bad ghosts, and are last to know or believe
we too will fade, just as our acrid smoke and those strange flakes of
skin and strands of hair will, into largely undocumented extinction.
Lie down, lie down; sleep is the best thing for being awake. Do as
we've always been told and done, no backward glances or second
thoughts, leaving sad markers buried in the sand. Sleep now, dream of
children with their heads still on, of grandmothers unburdening
clotheslines at twilight, of full kettles slow-ticking over twig
embers. Ignore boneless, nameless victims that venture out on bitter
gravel to claim remains while we rest.


Pay at the window for re-heated, prejudiced incantations. Take them
home and enjoy with wide-screen, half-digested, replayed previews of
solemn national celebration. Then sleep, by all means; we'll need all
the energy we can muster for compiling this generation's abridged
anthology of official war stories, highlights of heedless slaughter, to
burnish our long and proud imperial tradition. At some point, by virtue
of accidentally seeing and listening, we may find ourselves
participating in our own rendering. Few of our prey will be left alive
enough to water the sun with their modest, time-rubbed repetitions, to
rephrase their particular, unifying laws. Our version of events has
already made its money back in foreign distribution and pre-sales; all
victory deadlines must be met.


It can get so quiet, with or without the dead watching our constant
deployments. From our tilted promontory we may see one last woman
scuffle away across cracked parchment of dry wash beneath us, muttering
to herself--or is she singing at us?--as she rounds the sheared granite
face and disappears into a grove of spindly, trembling tamarisk shadows
lining the main road. We'll soon hear little other than our breathing,
as shale cools and bats rise to feed, taking over from sated swallows.
Night anywhere is home, darkness a cue for turning inward, quiet an
invitation to review our expensive successes before morning extraction
from the twin rivers of our common cradle.


© Viggo Mortensen
February, 2003



Retour à Babylone


Acceptez, oubliez les différences ou les désirs qui nous séparent
et nous laissent remplis d'envie ou de dégoût!
Pourquoi retourner furtivement jouer dans les lieux dévastés?
Pour ironiser sur le sol en ruine, pour ramasser des débris de bébés,
des pièces de monnaie, des fossiles, ou bien les cartouches familières et les douilles vides
luisant sous les racines empoisonnées dans la poussière noircie?
Nous faisons de bien piètres fantômes, et sommes les derniers à comprendre
ou à croire que nous aussi, nous nous volatiliserons, exactement
comme notre fumée âcre et ces étranges flocons de peau et filaments de cheveux,
dans une anonyme et insignifiante extinction. Couchez-vous, couchez-vous;
dormir est la meilleure façon de remédier à l'éveil.
Faites comme on nous a toujours dit de faire, ne regardez pas
en arrière, n'y repensez pas, laissez les vestiges moroses
enterrés dans le sable! Dormez maintenant, rêvez
d'enfants qui ont encore leur tête, de grand-mères
rentrant le linge au crépuscule, de bouilloires pleines
frémissant doucement au-dessus de braises légères.
Ignorez les victimes sans nom, sans os, qui s'aventurent
hors des graviers amers pour réclamer leur dépouille
pendant que nous dormons en paix.


Payez pour entendre des incantations réchauffées et pleines
de préjugés. Ramenez-les chez vous, repassez-vous sur
grand écran les solennelles cérémonies nationales battues et rebattues,
presque digérées déjà... Puis dormez, par tous les moyens;
nous aurons besoin de toute l'énergie possible pour composer
l'anthologie expurgée de l'histoire officielle de la guerre
pour la nouvelle génération, pour glorifier les boucheries insouciantes
et polir notre longue et fière tradition impériale.
A un moment peut-être, retrouvant fortuitement nos yeux et nos oreilles,
nous nous surprendrons à verser dans une interprétation personnelle.
Peu de nos prises resteront assez vaillantes pour abreuver le soleil
de leurs redites modestes, émoussées par le temps,
pour formuler à nouveau leurs lois spécifiques et unificatrices.
La distribution à l'étranger et les ventes anticipées ont déjà
rentabilisé notre version des événements; toutes les étapes
de la victoire doivent être atteintes dans les délais...


Cela peut devenir si calme, avec ou sans le regard des morts sur nos
incessantes occupations. De notre promontoire incliné,
nous verrons peut-être en contrebas une dernière femme
qui se fraie un passage à travers les craquelures d'un oued parcheminé,
marmonnant pour elle-même – ou bien chante-t-elle
à notre intention? – en contournant la façade de granit pelé
pour disparaître dans un bosquet de tamaris aux ombres grêles et vacillantes,
le long de la route principale. Bientôt nous n'entendrons plus que notre respiration;
le schiste refroidira et les chauve-souris partiront en chasse,
prenant la relève des hirondelles repues.
Où que l'on soit la nuit est un foyer, l'obscurité une voix qui nous souffle
de rentrer en nous-mêmes, et le calme une invitation à passer en revue
nos coûteux succès avant que le matin n'apparaisse entre
les fleuves jumeaux de notre berceau commun.


traduction © Waënelin / Séverine Folliard 2005

Vous avez tous entendu parler, je pense, de l'émission "The People Speak" qui est récemment passée aux Etats-Unis, et à laquelle Viggo a participé.
Ce documentaire inspiré de l'ouvrage éponyme d'Howard Zinn (lien Amazon pour info) sera bientôt disponible en DVD et l'on peut déjà en trouver quelques extraits passionnants sur Youtube.

Viggo est intervenu pour lire des textes et des poèmes d'auteurs qu'il apprécie, et également pour chanter une chanson de Bob Dylan, "Masters of War", dont les paroles sont, vous en jugerez, tout-à-fait appropriées quand on connaît les opinions de Viggo!
Je vous laisse écouter cette émouvante interprétation "a cappella" de Viggo.

BOB DYLAN - MASTERS OF WAR Come you masters of war You that build all the guns You that build the death planes You that build the big bombs You that hide behind walls You that hide behind desks I just want you to know I can see through your masks You that never done nothin' But build to destroy You play with my world Like it's your little toy You put a gun in my hand And you hide from my eyes And you turn and run farther When the fast bullets fly Like Judas of old You lie and deceive A world war can be won You want me to believe But I see through your eyes And I see through your brain Like I see through the water That runs down my drain You fasten the triggers For the others to fire Then you set back and watch When the death count gets higher You hide in your mansion As young people's blood Flows out of their bodies And is buried in the mud You've thrown the worst fear That can ever be hurled Fear to bring children Into the world For threatening my baby Unborn and unnamed You ain't worth the blood That runs in your veins How much do I know To talk out of turn You might say that I'm young You might say I'm unlearned But there's one thing I know Though I'm younger than you Even Jesus would never Forgive what you do Let me ask you one question Is your money that good Will it buy you forgiveness Do you think that it could I think you will find When your death takes its toll All the money you made Will never buy back your soul And I hope that you die And your death'll come soon I will follow your casket In the pale afternoon And I'll watch while you're lowered Down to your deathbed And I'll stand o'er your grave 'Til I'm sure that you're dead

naaaaaaaaaaaaaaaaaaaan !!!! tu ne nous a pô fait çà, Waé !!!! mais le blème c'est qu'on accède pas à la vidéo, en fait !!!! mais bon, moi je me la suis mise en boucle la prestation a cappela !!!!

ce qui est émouvant et impressionnant, dans cette prestation, c'est la capacité à complètement s'effacer pour plonger dans le texte .... rrrrrrrrrrhhhhhhhhhh j'en ai encore des "boutons d'oie"

La vidéo de The People Speak, tu ne la lis pas? c'est une vidéo Youtube, devrait pas y avoir de problème en principe.

Vérifie que le HTML est autorisé dans ton profil...

et cette vidéooooooooooooooooo !!! j'arrivions enfin à visionner, just a little problem with html acceptation....

Oh my god J'adore cette vidéo, merci Waé !!
La chanson originale est très belle et très puissante, mais là, il est impressionant le Viggo, de se mettre à chanter, comme ça !!!

En accord avec Waë, je reprends le fil de ce topic visant à traduire puis commenter les prises de paroles de VM récemment axées sur le(s) (dys)fonctionnement(s) de la politique et des médias américains.
J'aimerais, par ailleurs, si le coeur vous en dit, amis de l'Oeil, ancrer le tout dans une discussion plus générale s'articulant autour de deux thèmes:
1/ L'engagement (pris en son acception large) et l'oeuvre d'art;
2/ L'engagement politique et l'artiste.

Je me mets donc de ce pas au bûlot!

Bises

Welcome back, hun!


J'ai fait il y a quelques jours une découverte fort intéressante, et j'attendais d'avoir le temps de la poster
En attendant que tu alimentes aussi ce topic de tes savantes traductions politiques, voici donc une petite merveille inédite!

Il s'agit d'une lettre écrite par Viggo (vers 2000) aux Carma Bums. Les Carma Bums sont un groupement de poètes (5 précisément) fondé en 1994 et toujours actif aujourd'hui. Si vous avez déjà cliqué (impatients que vous êtes!) sur le lien qui précède, vu avez pu lire leur présentation sur l'un de nos sites fétiches, le fameux Poets Against War. Cette présentation est en fait une introduction à un poème posté sur le site:

The Carma Bums are poets who have a desire to speak to others on a human level as experience, bop and heart. Like the healer poet of New Jersey, William Carlos Williams, they believe in the poem as news, music and in this case, protest.

Sur ce blog, j'ai également trouvé une présentation très éclairante des Carla Bums par eux-mêmes:

William Shakespeare had no trouble being understood by the working
people of his time. Today, however, an arbitrary gap somehow has been
built between Shakespeare and a lot of working people. For many,
Shakespeare has become too elevated and difficult. While The Carma Bums
are not Shakespeare, we are wordsmiths. Through poem, song, noise,
structured chaos and empathy, we are attempting to bring our own brand
of highbrow back to the cheapseats in the back. We are attempting to
close that arbitrary gap between the "artist" and the "public". We
don't expect all of our work to be understood in the same way a
practical lesson in how to eat with a fork could be understood. We do
however want the reader/listener to "get it", whatever the particular
"it" is in any given poem. We are five unique different humans. We
often argue amongst ourselves about what it is we are doing. But like
any other nuclear family, we try to stop short of killing one another,
in the hope, that as a collective, we are offering the internet swimmer
a new brand of chlorine for your pool that will ultimately not burn
your eyes as you have, we hope, a very good time, swimming in our
magical sea of images and sound.
- Scott Wannberg "Carma Bums Manifesto - Highbrow/Lowbrow"

J'espère que ceci vous aura mis l'eau à la bouche autant qu'à moi et que vous vous précipiterez sur le MySpace de ces gens plus qu'intéressants!


Anyway, voici donc la lettre que Viggo Mortensen a écrite durant la projection d'un film des Carma Bums auquel il assistait, avant de la leur donner. C'est bien écrit, c'est beau, c'est fort... c'est du Viggo.







Magnifique, non?

Je suis plus que reconnaissante à Frosty, le webmaster de l'ancien site The Corner of Viggo, d'avoir ressorti ce bijou des archives du web. Comme il l'explique sur la page d'accueil de son site, le lien était mort depuis longtemps avant qu'il n'en retrouve le 'cache' internet... Un immense merci à lui!


Pour finir, voilà le mot d'introduction des Carma Bums à la lettre de Viggo telle qu'ils la présentaient:
(j'emprunte le texte et les liens inclus au site de Frosty)


"Most of you out there are more than likely familiar with Viggo the actor, star of films like The Indian Runner, Crimson Tide, G.I. Jane, The Expanding Skin, and Carlito's Way among others... but we here in Bumville know him as poet and angel. Viggo has been very actively invovled in the reclaimation of Beyond Baroque Literary Arts
Center in Venice, Ca. for a few years now and has been an active voice on the L.A. poetry scene as well. When The Carma Bums kicked off their Twisted Tour of Words in '96 at Luna Park in West L.A., Viggo came to see the show and wish us all bon voyage and ultimately helped us with artistic assist of our video/film The Luxurious Tigers Of Obnoxious Agreement. What follows is the body of the spontaneous letter he scripted while viewing the piece."



Voilà! j'essaierai de poster une traduction de tout ceci asap... avouez qu(il aurait été dommage que ce texte se perde, non?!

Du très grand, de la réflexion en perspective...Merci Waë de nous faire découvrir de telles merveilles de finesse!

Première trad, démarrée par mes soins et joliment peaufinée par notre admin préférée!!

VM aborde la problématique de l'omniprésence des médias, audiovisuels en l'occurence, en temps de campagne électorale. Il dénonce l'implication de puissances économiques, médiatiques et politiques, entremêlées, initiatrices et partie prenante d'un système de "vote unique" qui vide le débat électoral de sa substance.
Comment? En verrouillant la libre information, c'est à dire en annihilant tout débat contradictoire : pas de pluralisme politique, devenu inutile car "ils" ont choisi pour le peuple, alors in fine,dépouillé de son principal organe d'action : un vote libre et éclairé.
En organisant un système ne faisant que la promotion, écrasante parfois, des seuls candidats choisis par cette même minorité dominante, c'est au final la notion même de démocratie réelle qui se voit remise en cause.

Does this ring you a bell??

"When a television network has the power to decide which candidates are "worthy" of addressing the American people, it robs the American people of their most precious right to the free flow of information and dissenting points of view. I am an artist mostly known for acting in movies, but I am also a citizen and a voter who resents the control that big money, big media, and entrenched political interests have in deciding what I should see, what I should hear, and what I should be allowed to think. ABC and other media censoring Dennis Kucinich- and others legitimately running for the office of President of the United States- by not allowing them to be part of televised debates is, in my opinion, an outrageous manipulation of and disservice to the public, as well as a criminal misuse of public airwaves. If you agree, please make your objections known to ABC and other media outlets similarly restricting public speech and political information. Thank you,
Viggo Mortensen."

"Quand une chaîne de télévision a le pouvoir de décider quels candidats "méritent" de s’adresser aux américains, elle dépouille les américains de leur droit le plus précieux, celui d’accéder librement aux courants d’information et d’opinion dissidents.
Je suis un artiste surtout connu en tant qu’acteur, mais je suis également un citoyen et un électeur qui refuse d’accepter le contrôle qu’exercent les grosses fortunes, les mass-media et les intérêts politiques en place en décidant de ce que je devrais regarder, entendre, ou avoir le droit de penser.
Le fait qu’ABC et autres médias censurent Dennis Kucinich - ainsi que d’autres candidats se présentant légitimement à l’élection présidentielle - en ne les laissant pas participer aux débats télévisés, constitue, de mon point de vue, à la fois une effarante et préjudiciable manipulation du peuple, et une utilisation abusive criminelle des ondes publiques.
Je vous en prie, si vous partagez cette opinion, envoyez vos objections à ABC et aux autres médias qui entendent également restreindre la liberté de parole et le droit à l’information politique. Merci,
Viggo Mortensen."

Publié par VM sur Perceval Press le 6 janvier 2008

Merci Daudie! Je me suis permis de rajouter la date...
Il ne faudra pas trop tarder à poster les 2 autres messages postés par Viggo dans le courant du mois de janvier... d'autant plus opportuns pour l'éclaircissement "chomskien" (à vos souhaits) que tu veux y apporter.

très bon boulot, Daudie !!! mais plus largement (par rapport au texte de Viggo), et pauvres de nous, malheureusement nous avons importé cette logique média à l'américaine .

Bien d'accord avec toi Arwen!

Je voulais faire le lien entre ce texte de VM et un récent article de Noam Chomsky intitulé " Lavage de cerveaux en liberté: encore plus efficace que les dictatures" paru dans le Monde Diplomatique d'Août 2007.

VM s'est sans nul doute inspiré des écrits de cet éminent linguiste américain, peu connu en France et pourtant très reconnu aux US, pour affiner sa critique du système médiatique américain.
Savourez ces quelques extraits, l'intégralité de l'article étant disponible à l'adresse suivante : http://www.monde-diplomatique.fr/recherche?s=lavage+de+cerveaux.


"Quand des journalistes sont mis en cause, ils répondent aussitôt : « Nul n’a fait pression sur moi, j’écris ce que je veux. » C’est vrai. Seulement, s’ils prenaient des positions contraires à la norme dominante, ils n’écriraient plus leurs éditoriaux. La règle n’est pas absolue, bien sûr ; il m’arrive moi-même d’être publié dans la presse américaine, les Etats-Unis ne sont pas un pays totalitaire non plus. Mais quiconque ne satisfait pas certaines exigences minimales n’a aucune chance d’être pressenti pour accéder au rang de commentateur ayant pignon sur rue.

C’est d’ailleurs l’une des grandes différences entre le système de propagande d’un Etat totalitaire et la manière de procéder dans des sociétés démocratiques. En exagérant un peu, dans les pays totalitaires, l’Etat décide de la ligne à suivre et chacun doit ensuite s’y conformer. Les sociétés démocratiques opèrent autrement. La « ligne » n’est jamais énoncée comme telle, elle est sous-entendue. On procède, en quelque sorte, au « lavage de cerveaux en liberté ». Et même les débats « passionnés » dans les grands médias se situent dans le cadre des paramètres implicites consentis, lesquels tiennent en lisière nombre de points de vue contraires.

Le système de contrôle des sociétés démocratiques est fort efficace ; il instille la ligne directrice comme l’air qu’on respire. On ne s’en aperçoit pas, et on s’imagine parfois être en présence d’un débat particulièrement vigoureux. Au fond, c’est infiniment plus performant que les systèmes totalitaires.

Prenons, par exemple, le cas de l’Allemagne au début des années 1930. On a eu tendance à l’oublier, mais c’était alors le pays le plus avancé d’Europe, à la pointe en matière d’art, de sciences, de techniques, de littérature, de philosophie. Puis, en très peu de temps, un retournement complet est intervenu, et l’Allemagne est devenue l’Etat le plus meurtrier, le plus barbare de l’histoire humaine.

Tout cela s’est accompli en distillant de la peur : celle des bolcheviks, des Juifs, des Américains, des Tziganes, bref, de tous ceux qui, selon les nazis, menaçaient le cœur de la civilisation européenne, c’est-à-dire les « héritiers directs de la civilisation grecque ». En tout cas, c’est ce qu’écrivait le philosophe Martin Heidegger en 1935. Or la plupart des médias allemands qui ont bombardé la population avec des messages de ce genre ont repris les techniques de marketing mises au point... par des publicitaires américains.

N’oublions pas comment s’impose toujours une idéologie. Pour dominer, la violence ne suffit pas, il faut une justification d’une autre nature. Ainsi, lorsqu’une personne exerce son pouvoir sur une autre – que ce soit un dictateur, un colon, un bureaucrate, un mari ou un patron –, elle a besoin d’une idéologie justificatrice, toujours la même : cette domination est faite « pour le bien » du dominé. En d’autres termes, le pouvoir se présente toujours comme altruiste, désintéressé, généreux."

Work in progress...

"Daily Reminders to Democratic Candidates:
Why, in the interest of democratic discourse, free speech and common decency, have none of the candidates selected by the corporate media in this country to participate in the televised debates in Iowa, New Hampshire, and Nevada not demanded that Dennis Kucinich, Ron Paul, and other qualified candidates be included? Are they so afraid of a profound, unfettered discourse of the important issues we all face? Is this a democracy, do we really have public airways in the United States of America? For shame Clinton, Obama, Edwards, McCain, Romney, Huckabee et al!."

Posté par VM sur PP, 11 ou 12 janvier 2008.

Une trad commentée sera bientôt dispo !

Daudie wrote:

Je voulais faire le lien entre ce texte de VM et un récent article de Noam Chomsky intitulé " Lavage de cerveaux en liberté: encore plus efficace que les dictatures" paru dans le Monde Diplomatique d'Août 2007.

VM s'est sans nul doute inspiré des écrits de cet éminent linguiste américain, peu connu en France et pourtant très reconnu aux US, pour affiner sa critique du système médiatique américain.
Savourez ces quelques extraits, l'intégralité de l'article étant disponible à l'adresse suivante : http://www.monde-diplomatique.fr/recherche?s=lavage+de+cerveaux.

Merci infiniment Daudie pour cet article, effectivement très éclairant J'ai lu l'interview en entier, c'est très très bien vu et du coup, parfaitement effrayant... Ce sont des choses que l'on sait ou "sent" plus ou moins - sans trop y penser, par fuite ou par paresse- , mais de les lire ainsi décortiquées et expliquées dans une analyse aussi fine, c'est autre chose...

Je ne connais de Chomsky que ses travaux de linguistique, que nous avons étudiés à l'IUFM en anglais, et qui sont extraordinaires - une petite révolution dans l'apprentissage et l'enseignement de la langue anglaise. ça a l'air d'être une sacrée pointure!

Si tu as d'autres éclairages de ce genre ou souhaites développer le sujet, n'hésite pas!


EDIT: je viens de voir que VM a justement mis il y a qqs jours un des ouvrages linguistiques de Chomsky dans la partie "we recommend"... Je me demande si je ne vais pas l'acheter! je suis tentée!!

comme l'a dit juste avant Waé, c'est très éclairant.
En matière d'information - ou de désinformation on l'a bien vu aux States à maintes reprises (11/09, Katrina....) - rien n'est impartial c'est tout le fond du problème et sans faire d'anti américanisme primaire, tant s'en faut, encore plus de la part du soit-disant pays de la liberté, de la démocratie (eumh eumh).

A People's History of American Empire
Après 'The People Speak', Viggo continue son action avec Howard Zinn

Quote :

Voices of a People's History - Live in Portland, Oregon

Monday, May 5, 2008, at 7:30 pm
Portland, Oregon
First Congregational Church
http://www.uccportland.org/
1126 SW Park, Portland, OR

Featuring readings by Viggo Mortensen,
performance poet Staceyann Chin, Portland student activist Sarah Levy,
editor and author Anthony Arnove, and other fine actors and activists.

Voices of a People's History of the United States, edited by Howard
Zinn and Anthony Arnove, is the long-awaited primary-source companion
to Howard Zinn's best-selling A People's History of the United States.
It features the words of rebels, dissenters and visionaries from our
past -- and present.

The performance is sponsored by the Illahee Lecture Series and is a
benefit for Voices of a People's History of the United States, a 501c3
created to encourage civic engagement and to further history education
by bringing the rich stories of dissent and activism in the United
States to life through public readings.

For more information, contact Illahee:
Box office phone: 503-222-2719
email: info@illahee.org
web: http://www.illahee.org/lectures
Tickets: $20, $10 for students

thanks to RivRes from Viggo-Works

More info at http://www.howardzinn.org/


'A people's History of American Empire' est un comic-book adapté d'un essai de Howard Zinn intitulé
'Empire or Humanity?
What the classroom didn't teach me about the American empire'
publié sur TomDispatch.com.

En allant sur ce lien , vous trouverez 8 planches de ce cartoon-book, ainsi qu'une vidéo de présentation dont la voix off est celle de Viggo Mortensen.

Quote :

that war is necessary for security, that
expansion is fundamental to civilization"

Je complète ce propos, Wae, en invitant chacun d'entre vous à lire l'intégralité du texte suivant publié sur le site Collectif national du 29 mai - Ensemble pour construire une alternative au libéralisme, initialement écrit pour Libé.fr.

Il s'agit d'un article de Noam Chomsky intitulé " La déraison du plus fort" et dont je vous laisse savourer les quelques passages que j'ai ici sélectionnés.


"Stimulé par ces temps d’invasions et d’évasions, le thème de la « guerre juste » vit une véritable renaissance parmi les experts et même les politiciens.

[...]Parmi les présentations élogieuses de la guerre moralement légitime, Michael Walzer décrit ainsi l’invasion de l’Afghanistan comme un « triomphe de la théorie de la guerre juste », tout comme celle du Kosovo par l’Otan.

[...]Malheureusement, dans ces deux cas (et comme toujours), ses arguments reposent essentiellement sur des prémisses telles que « cela me semble entièrement justifié », « je pense que » ou « sans aucun doute »... Il passe outre les faits, même les plus évidents."

[...] Nous pouvons tous être d’accord avec l’idée que la violence est légitime (je le pense), mais « je pense » n’est pas un argument particulièrement puissant, s’agissant des situations réelles dont on discute.

En invoquant la « guerre juste », le contre-terrorisme ou toute autre justification, les Etats-Unis s’exonèrent eux-mêmes des principes fondamentaux de l’ordre mondial, qu’ils ont pourtant été les premiers à formuler et mettre en oeuvre.

Après la Seconde Guerre mondiale, un nouveau droit international a été mis en place. Un droit de la guerre a été codifié par la charte des Nations unies, les conventions de Genève et les principes de Nuremberg, et adopté en Assemblée générale.

La charte interdit la menace ou l’emploi de la force, à moins qu’ils ne soient autorisés par le Conseil de sécurité, ou alors, par le biais de l’article 51, en légitime défense contre une attaque armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité agisse.

Dans un monde plein de menaces, le risque que courent l’ordre mondial et le principe de non-intervention, sur lequel il continue d’être fondé, est trop important pour accepter la légalité d’une intervention préventive unilatérale, coupée de toute action collective assumée. Autoriser cela pour un pays, c’est ouvrir la porte à tous les autres.

[..]Le document de stratégie de sécurité nationale de septembre 2002, largement revalidé en mars, accorde aux Etats-Unis le droit de mettre en oeuvre ce qu’on appelle « une guerre préemptive », c’est-à-dire le droit de commettre une agression pure et simple. Selon les termes du Tribunal de Nuremberg, l’agression est « le crime international suprême, différant des autres crimes de guerre en cela qu’il recèle en lui la totalité du mal de l’ensemble ».

[...]Ces autres propos du juge Jackson à Nuremberg ne sont pas moins pertinents : « Si certaines violations des traités sont des crimes, ce sont des crimes, que ce soient les Etats-Unis qui les commettent ou l’Allemagne, et nous ne sommes pas disposés à instaurer une loi contre d’autres que nous refuserions de voir appliquée à nous-même."

[...]Je voudrais pour finir avancer deux simples vérités.

La première, c’est que les actions sont mesurées à l’aune de leurs possibles conséquences.

La seconde, c’est le principe de l’universalité : nous appliquons à nous-mêmes les mêmes critères que ceux que nous appliquons aux autres, voire de plus exigeants encore."

La totalité de ce texte est disponible à l'adresse suivante :

http://www.collectifdu29mai.org/La-deraison-du-plus-fort-par-Noam.html

Deux textes "engagés" sont parus ce mois-ci (novembre 2010) sur Perceval Press :
Dear George, Jr.:

In your recently released, chart-topping autobiography you express a measure of regret over the belatedly acknowledged (by your administration) absence of primary motive for your preemptive military invasion of Iraq in 2003 -- specifically admitting that you and your vice-president were notified by well-informed experts within your own government that Saddam Hussein had no weapons of mass destruction with which to menace the United States of America or any other nation. Additionally, you refer to personal doubts you had about the wisdom of invading that country in the first place. It might, consequently, be seen as a touching gesture on your part if all profits from your book were distributed evenly to Iraqi citizens as a token show of contrition over the hundreds of thousands of deaths you are responsible for, and the destruction of millions of other lives and livelihoods that your conscious, bloody-minded actions have caused in that country. However, since you are still unwilling to admit that your blitzkrieg and brutal occupation of Iraq were mistakes, it would seem that you are incapable of such a symbolic act of Christian charity.

Perhaps, at least, you might consider bequeathing President Obama some of the great wisdom you have lately acquired with regard to the occupations of Iraq, Afghanistan and other parts of the world in order to save him and future U.S. presidents from continuing to pursue unjustified, costly, and inexcusably barbaric foreign policy dead-ends. Just a thought. Probably impractical, though, for you and for him. Never mind. Carry on. Here's wishing you continued satisfaction with your unrepentant retirement, and increased success with the Republican Party's campaign to rehabilitate your public image in the eyes of the blind and the blinding. If Reagan's myth-makers managed a total public relations reinvention in twenty years, yours can surely do it in two.

Love,
a fellow citizen.

Et, je crois, au moment de Thanksgiving :

THANKS FOR NOTHING

The obsessions with shopping and bargain-hunting, relentless hawking and covetousness, on the day after Thanksgiving (not to mention throughout much of the year, regardless of holiday excuses) have reached appalling levels. Occasionally attempting to save money by making financially-sound purchases of truly necessary goods is a sensible strategy for consumers. However, it seems that there is now a level of senseless buying for the sake of buying, actively and strategically encouraged by the media and the government in the U.S., that far outstrips that of previous years. Worse than the often mindless desperation and credit-breaking scavenging of shoppers is the constant trumpeting in the media of the early-bird, "black friday" or any day's overspending as a means of temporarily buoying the foundering U.S. economy. It is hard to believe that this is a sound approach to reviving national or personal economies in any meaningful, lasting way. At current levels, this mania is simply grotesquely superficial, reeking of insecurity and, at heart, belying a fear of life, death and the present we all share. It is as untenable and unhealthy, morally and financially, domestically and internationally, as the ever-burgeoning U.S. weapons manufacturing industry.

Happy Holidays.